Who’s that boy ?
Mais qui est donc Willy Cabourdin ? Il se dévoile en filigrane à travers les personnages qu’il habite, ou qui l’habitent et signent ses œuvres telles MissKathyx, ArchimondainJolypunk, etc.
Willy joue avec son identité, s’expose, se projette à travers ses œuvres picturales. Son travail parle de Lui, de ses univers fantasmatiques mais également de Nous car il touche à nos références culturelles et personnelles, nos identifications à ces mêmes figures iconiques que Willy s’attache à retravailler, décaler, désacraliser, attaquer, transformer. Willy nous donne à voir des œuvres viscérales, des angoisses à fleur de peau, ce qui est usuellement réprimé ou refoulé ; l’inconscient y est accessible à ciel ouvert. L’artiste y expulse ses pulsions libidinales et agressives : elles sont contenues, entremêlées et transformées de par sa démarche artistique singulière. Ces œuvres, où le rose côtoie le noir, sont ambivalentes : elles sont à la fois attirantes et répulsives. Il nous envoie en pleine figure du trash, des corps morcelés crus, décharnés et tuméfiés, du sadomasochisme et de la cruauté, de la castration et des éléments mortifères, et nous met de fait dans une position de voyeuriste comblé. Sa démarche artistique a l’atout de nous plaire, mais aussi de nous questionner : voir, se voir ou être vu ?
L’art de Willy s’inscrit dans la lignée des concepts de la Modernité qui au XXe siècle étaient fondés sur l’idée d’une destruction positive et féconde, tel un big bang pulvérisant les valeurs établies, œuvrant ainsi à un renouvellement révolutionnaire des formes usuelles de perception et d’interprétation. Willy, à travers ses œuvres questionne l’absurdité humaine et le sens de la vie, les croyances auxquelles on s’attache et qui fondent notre société (religion, autorité, éducation) mais aussi la sexualité et la violence. La destructivité selon S.Spielrein (La destruction comme cause du devenir, 1912) se nourrit du désir de détruire quelque chose qui n’est pas satisfaisant afin de favoriser l’émergence de quelque chose de nouveau et de foncièrement différent. L’idée remonte au philosophe Nietzsche : Willy Cabourdin est profondément nihiliste tout en étant un punk plutôt sympathique. L’œuvre de Willy illustre ce que relevait le psychanalyste D. Anzieu dans Créer, détruire (1996) : le travail créateur a une face négative, destructrice, qui est indissociable de sa face positive et créatrice, l’une contrebalançant l’autre (enjeux de la mixité des pulsions de vie et de mort, Eros vs Thanatos dans la complexité de leur intrication et leur désintrication) – cela forme le Corps de son œuvre, à lui.
Willy Cabourdin transporte les choses de son monde, de son univers interne et de son quotidien, dans un ordre nouveau, à sa convenance. Pas de hiérarchie, tout est au même plan : figures pop issues des mass media, ami(e)s, portraits et autoportraits, slogans, mots, réalisant ainsi le vœu de Lautréamont de créer par la "rencontre fortuite sur une table de dissection, d’un parapluie et d’une machine à coudre". Willy juxtapose ses tableaux les uns à côtés des autres, séquence par séquence. Nous quittons toute linéarité narrative au profit d’une reconstruction subjective faite de fragments, de "prétendus instantanés pris dans ma mémoire" , reliés les uns aux autres dans une proposition spatiale multifocale. S. Freud nous a appris que l’inconscient est atemporel et que ses contenus ne sont pas soumis au déroulement chronologique du temps. Rencontrer les œuvres de Willy, c’est faire l’expérience de plusieurs histoires et espace-temps : à nous de les relier, les inventer et de les faire vibrer. M.S
Willy Cabourdin
Aussi connu sous ses anciens pseudos, Misskathyx, ArchimondainJolyPunk ou Thybal-prince-des-chats, le Français Willy Cabourdin s’est installé il y a 7 ans à Bruxelles. C’est à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Josse et à son atelier à Ottignies qu’il poursuit son travail, dont se dégage un univers sombre inversement proportionnel à la personnalité douce de l’artiste.
 
Des techniques sur mesure
Au commencement était l’image. Celle des autres. Pages de magazines, archives,  vieilles photos, faits divers qui marquent son esprit, ou juste sa rétine, déclenchent toute une histoire qui va se construire et se déconstruire, par strates. Après avoir isolé la photo choisie, Willy Cabourdin la soumet à une séries de (mauvais) traitements qui, loin de la camoufler, vont au contraire en révéler un sens caché, propre à sa lecture personnelle.
Recouvrir de peinture jusqu’à l’effacement, gratter, couvrir à nouveau, ajouter un personnage perché sur l’épaule, re-gratter, insérer un phylactère, un mot, un symbole, un signe graphique au feutre (qui trahit l’activité principale de Willy Cabourdin, graphiste et directeur artistique pour l’édition). Recouvrir le tout, re-re-gratter révéler et donner du sens, refaire l’histoire. Un processus créatif proche du cut-up de Ginsberg ou Burroughs. Par le transfert à la trichloréthylène, il obtient également des trames accidentées de l’image originale, les peint. Ré-applique le transfert, rectifie à la peinture. Recommence.
 
En cellule
Inspirés à la base par des sujets aussi variés que des portraits de taulards, les Twin Towers ou Chloë Sevigny, ses tableaux, panneaux de bois enduits, sont à considérer comme des “cellules”. Conçus en général en série, ces petits formats s’articulent les uns aux autres en se répondant. Mais peuvent tout aussi bien s’exiler et rejoindre une autre série à laquelle ils apporteront un nouvel éclairage, un autre sens narratif. Chargées de messages touchant à l’insconscient, mais parfois politiques, les cellules naissent d’un processus riche et libre, “comme David Lynch lorsqu’il monte ses films : en pratiquant la méditation, il lâche prise. Parfois la mécanique m’échappe, je laisse aller et une association d’idées en entraînant une autre, je raconte une histoire qui n’a plus rien à voir avec l’image originale”.
 

Modeste, il indique que “c’est aussi puéril que de noircir les dents d’un mannequin dans les pages d’un magazine”. Mais le spectateur trouve, dans cette manière organique et libre de réinterpréter l’actualité, un écho à ses propres fantasmes, à ses peurs secrètes. Et quel trouble… A.B